Le héron en argot par Pierre Perret d'après la Fable de Jean de La Fontaine!
Le héron en argot par Pierre Perret
Longs comme un jour sans pain Un héron au long bac emmanché d'un colbec Heu... au long bec emmanché d'un colbac Pêchait sur son barlu de maousses poiscailles. Ne voulant s'embourber que de rises de taille De tous ceux qu'il biglait il voulait toujours plus. Il virait les tétards, délaissait les minus Du raffiot méprisant il reluquait la baille Quoi, ce ne sont que tanches ? N'auraiss-je que ce fretin Pour me beurrer les hanches ? Une carpe peut-être ? Non, cette vieille mule A beaucoup trop d'arêtes Pour les p'tites mandibules. Est-ce pour un goujon ou une ablette plate Que j'irais, moi, héron, me désosser la rate ? Matant ce défilé de pescal trop bléchard Il dit: ça c'est que dalle, j'attendrai un mastard. Cependant qu'Césarin se montait l'bourrichon, En guise de brochet, il arrachait qu'des grolles. Et même du quarante-quatre avec des cornichons Ca vous fout le gésier comme une lampe à pétrole. Finalement, à défaut de ram'ner Moby Dick, Il sortit un minable escargot rachitique.
Si la jolie rouquine Aux gros nibards vient pas Prends toujours sa frangine Avec ses oeufs au plat. |
Le héron de Jean de La Fontaine
Le Héron au long bec emmanché d’un long cou. Il côtoyait une rivière. L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours ; Ma commère la carpe y faisait mille tours Avec le brochet son compère. Le Héron en eût fait aisément son profit : Tous approchaient du bord, l’oiseau n’avait qu’à prendre ; Mais il crut mieux faire d’attendre Qu’il eût un peu plus d’appétit. Il vivait de régime, et mangeait à ses heures. Après quelques moments l’appétit vint : l’oiseau S’approchant du bord vit sur l’eau Des Tanches qui sortaient du fond de ces demeures. Le mets ne lui plut pas ; il s’attendait à mieux Et montrait un goût dédaigneux Comme le rat du bon Horace. Moi des Tanches ? dit-il, moi Héron que je fasse Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ? La Tanche rebutée il trouva du goujon. Du goujon ! c’est bien là le dîner d’un Héron ! J’ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise ! Il l’ouvrit pour bien moins : tout alla de façon Qu’il ne vit plus aucun poisson. La faim le prit, il fut tout heureux et tout aise De rencontrer un limaçon. Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants ce sont les plus habiles : On hasarde de perdre en voulant trop gagner. Gardez-vous de rien dédaigner ; Surtout quand vous avez à peu près votre compte. Bien des gens y sont pris ; ce n’est pas aux Hérons Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte ; Vous verrez que chez vous j’ai puisé ces leçons. |